8 juin 2008
Autant le dire tout de suite et annoncer la couleur : le Gédéon n’aime pas l’autogire ! D’une manière générale, il n’aime pas ce qu’il ne comprend pas, comme tout le monde, même si certains hommes disent aimer une femme (ou deux), alors que s’ils prétendent les comprendre, ils sont des menteurs.
Et alors, bon, l’autogire, donc. Ce truc-là, c’est l’ancêtre de l’hélicoptère, qu’ils disent. C’est exact. Mais bon, si on l’a inventé, cet hélico, c’est que justement l’autogire montrait ses limites. Mais eux, y’en a des, non, ils veulent quand même voler dans cet hélico pas fini, justement parce que ça fait hélico, mais que c’est moins cher. D’ailleurs, tu verras que lorsque l’hélicohuelle sera légale en France, ils s’y mettront tous, vu que pour le coup c’est pas plus cher, et très mieux, donc.
Au début, avant que cette chose ne soit réglementairement un ULM, ils étaient une centaine à travers la France, essentiellement dans le sud-ouest, à faire voler ces machins rigolos tout plein qui sont capables de voler dans un hangar tellement c’est maniable. Or, en aéronautique comme ailleurs, quand c’est maniable, c’est pas stable, et inversement. Du coup, ça se cassait la gueule sévère, ces trucs, entre 4 et 5 morts par an, soit autant en pourcentage. Pour comparer, s’il y avait la même proportion de morts en ULM aujourd’hui (4% de 15 000 pilotes), ça ferait 600 morts par an, tout rond. On en est très loin, puisqu’on est à peine à 20. Autogire compris, vu qu’entre temps il est devenu ULM, ce truc. Et alors là, le Gédéon, il veut comprendre, pour aimer, comme il a dit. Or, il ne comprend pas. L’autogire a voulu devenir ULM pour pouvoir se structurer, enseigner, rationaliser sa production, etc., que le Gédéon doit t’expliquer comment que c’était avant.
Avant la fin des années 90, donc, l’autogire volait sous laisser passer, avec une immatriculation en "Fox-Whisky". Les pilotes devaient construire eux-mêmes leurs machines sur plans (exclusivement, donc kits interdits), et apprendre à voler seuls. Qu’on le veuille ou pas, c’est un système particulièrement fertile pour faire des morts, ça. Donc, pour pouvoir acheter des machines toutes faites, et apprendre avec un qui sait, en double commandes, devenir ULM était la meilleure solution, qui s’imposa, et bravo, buvons un coup !
Sauf que.
Sauf que, 10 ans après, l’autogire représente encore 7 % des « accidents » d’ULM, alors qu’il n’occupe que 3% du parc. C’est la fédéplume qui dit ça. Pour info, toutes les autres classes d’ULM ont un taux « d’accidents » exactement égal à leur représentativité. D’où il déduit donc, le Gédéon, que dans les autres classes d’ULM, les pilotes se cassent la gueule sur des conneries qu’ils font, sans que la nature de leur avion ne puisse être mise en cause. Quand, à côté de ça, Biyanvrac constate que l’autogire se vautre à 7% alors qu’il n’est que 3% des ULM, il se dit forcément qu’il y a un problème intrinsèque, ou pas ?
Et là, le Gédéon, il sait que les vieux de la vieille de l’autogire, les ceux qui volaient avant que ce soit un ULM, vont être d’accord avec lui : le problème, c’est que l’autogire est éminemment complexe à tenir. Relativement simple à piloter, mais moyennant le respect très strict de quelques règles de base, que tu ne peux acquérir qu’avec une grande rigueur et un apprentissage sérieux et poussé. Or, ça n’est pas le cas, en général. Vu que dans l’ULM les instructeurs sont forcés de vendre du matos s’ils veulent survivre, vu qu’ils savent pas se défendre face à la concurrence déloyale des « bénévoles », ils se sont tous mis à vendre de l’autogire, que tout le monde en veut soi-disant, alors que dix ans après on n’est toujours qu’à 3%...
Bon. On a donc des types qui étaient, par exemple, instructeurs trois-axes. Ils deviennent instructeurs autogires en un mois s’ils sont mauvais, alors que jusque-là ils n’en avaient jamais vu de près, d’autogire, puis ils forment leur élèves-clients du trois-axes en deux-trois tours de piste et demi, merci, signez-là, voici votre jouet tout neuf, et vogue la galère.
Alors ils disent qu’entre temps les machines ont évolué. Que ça oui, le Gédéon le voit bien. Avant, l’autogire (qui existe toujours et reste plébiscité par les vrais puristes qui eux ne se cassent plus la gueule, ou pas plus que les pendulaires, soi dit en passant), c’était donc un petit truc super léger et maniable qui tournait sur place et tout ça, autour du terrain. Les autres, qui viennent de l’avion (parfois nommé multiaxes), ils veulent voyager avec. Du coup, on te leur a fait des machins très gros, très lourds, très moins maniables, donc plus stables. En gros, tu te retrouves avec un avion comme t’avais avant, sauf que tu voles la tronche à l’air et que tu consommes trois fois plus ! « Ah oui, mais ça pose sur place », qu’ils disent. Là, le Gédéon, il se demande bien à quoi ça sert de poser sur place, vu que pour redécoller il te faut autant de place qu’un Stol quelconque, ce qui fait que si tu te poses sur un tout petit terrain juste pour montrer que tu poses court, tu peux plus repartir…
On s’égare, on s’égare.
Ah oui, et alors, du coup, les ceux de l’autogire qui voulaient devenir ULM, ils se sentent trahis, du coup. Parce que le fait que maintenant qu’on constate que l’autogire est toujours aussi casse gueule, on dit que c’est de sa faute, comme vient justement de le faire Biyanvrac, ce qui tend à montrer que justement ce machin a des tares endogènes irréversibles. Or, ce n’est peut-être pas tout à fait le cas, et c’est bien pour ça qu’il suffirait de se former correctement, comme ils le demandent depuis le début…
C’est cet autogire-là qu’il n’aime pas, le Gédéon, le celui qui ne veut pas apprendre, et s’en prend ensuite à lui-même…
Finalement, ils auraient peut-être mieux fait de rester où ils étaient, ceux-là, tiens, ils auraient eu moins d’emmerdes, tout compte fait, vu que n’étant pas ULM, ils n’entraient pas dans nos statistiques. Tandis que maintenant qu’ils y sont, tu vas voir qu’on va venir leur reprocher de pas faire propre, alors que c’est justement pas eux qui font pas propre, mais des qui n’ont aucune légitimité, et croient juste que c’est un avion à aile tournante.
Et comment ça tourne, cette aile ? Ils le savent pas plus que toi, t’inquiète, mais ils sont instructeurs, tout va bien.