Best Off Nynja 912S
Article paru dans ULMiste n°1, mai 2010
Best Off Nynja, retour vers le futur !
Le Nynja n’est pas la De Lorean immortalisée au cinéma, qui permettait de voyager dans le temps... Hélas !
Composites et carbones imprégnés, pultrudés, en sandwich, forgés, sous vide, à froid, à chaud, monopolisent les constructeurs et les media, sur des appareils de plus en plus beaux mais pas forcément plus légers... Le Nynja ne serait-il pas un retour vers un appareil simple en termes de matériaux et d’assemblage, sensiblement plus performant que l’ULM des débuts et son frère ainé le Skyranger. À sa façon n’est-il pas partie prenante du Futur de la classe ULM trois-axes ?
Sacré Pierre-Jean ! “Que du plaisir les essais, tu verras”... A priori j’en étais convaincu ! Mais depuis que j’ai la liste de tout ce que je dois faire en vol, tout en prenant des notes, pour un modeste pilote ULM depuis une quinzaine d’années, ça fait monter la pression !
Heureusement ce matin, la météo est avec moi ! Ciel bleu dégagé, température tonique de printemps, que du bonheur, et pas de vent ou presque ! Philippe Prévot, le concepteur et fabricant de la machine, faute d’appareil tout neuf disponible pour des essais, m’a envoyé dans le Gers, à une demi-heure de vol, pour essayer le Nynja d’un instructeur : Jean-Claude Aynié. (LF3225)
Au milieu de la noria des TB10 et TB20 du SEFA de Muret, j’arrive à en placer une, et la dame me fait décoller vite fait (enfin, mon appareil...). Moins d’une demi-heure plus tard je repère la piste toute nouvelle de Jean-Claude. Toute nouvelle, car un projet de 22 hectares de panneaux solaires l’a obligé à abandonner la précédente, au profit du photovoltaïque subventionné...(Au fait, dans 20 ans, on en fait quoi, comment ?).
Du coup, Jean-Claude est parti sur un projet de toute une vie, avec deux pistes qui se croisent en X et une vraie base avec locaux modernes et tout et tout ! Mais ça c’est une autre histoire, nous y reviendrons certainement bientôt.
L’appareil que je vais essayer est encore une des premières versions prototypes. Il y en eut quatre en tout, envoyées pendant deux années sous différentes latitudes, en versions “bêta”. Celles qui servent à élaborer la version définitive après “débugage” et essai de différentes solutions techniques.
Kowabunga !*
Le Nynja est là devant moi, avec ses ouïes de capot “bridées”, en droite ligne du style Manga ! Il se dégage de façon immédiate une sensation de fluidité dans les lignes, à coté de son frère aîné. Pourtant on est resté, globalement, dans les mêmes volumes. Esthétiquement parlant la différence est bien là, visible, appréciable et appréciée !
Le concepteur est resté sur son idée de machine faite de tubes droits en aluminium, d’assemblage par boulonnage. Ici, pas de cintrage, pas de soudure ! Cela permet une facilité de réparation et un coût de remplacement des plus compétitifs, on ne le dira jamais assez. Par rapport au Skyranger, le Nynja a été l’objet de profonds remaniements, pas seulement d’un habillage en composite à la place d’une chaussette de toile !
Le fuselage a été modifié et par rapport à la ligne de référence le plan arrière est sensiblement plus bas (environ 20 cm). Il est aussi sensiblement plus fin. Pour permettre cette évolution, les montants avant de cabine ont été inclinés vers l’arrière. La cloison pare-feu a été avancée. Pour compenser les modifications de poids et de centrage, le moteur a été calé différemment. A l’opposé, le plan de gouverne arrière a été modifié, la dérive surélevée. Toutes ces nouveautés sont le fruit d’un gros travail en soufflerie. Les études ainsi réalisées ont engendré une modification sensible du profil d’aile avec une courbe de portance améliorée. Excusez du peu ! On est en face d’une vraie nouvelle machine, pas d’une pâle copie évoluée. Ces modifications procurent cette visible fluidité, en plus de performances remarquables pour un “tubes et toile” moderne.
Revenons à ce que l’on voit, d’emblée. L’inclinaison de la structure tubulaire de la “cabane” de quelques degrés en arrière et la nouvelle forme du fuselage, entrainent une découpe très penchée de la porte et du fenestron en arrière du montant d’épaules. La porte avance davantage, dégageant ainsi une nouvelle visibilité vers l’avant et le bas. Cela diminue aussi les surfaces latérales du capot inférieur.
Les tirants de jambes de train que l’on voit encore sur cette version, ont disparu sur la version de série au profit d’un tout nouveau système, visible ici sur une machine en cours d’assemblage chez Jean-Claude. Le gain de traînée est évident. Il s’agit d’une pièce en acier soudé en triangle. Comme tous les tubes en acier à bord du Nynja, ils sont réalisés en acier 15CDV6 qui permet un gain de poids significatif par diminution de la section pour une résistance équivalente. Cette nuance d’acier est de conception et fabrication française...qu’on se le dise ! Son utilisation a permis le gain, judicieux, de quelque 3 kg, qui viennent en compensation du poids supplémentaire des coques de fuselage.
Le plastique, c’est fantastique !
La grande nouveauté, visuelle et concrète, réside bien entendu dans l’utilisation de composite (époxy et fibre de verre) pour de nombreuses pièces de l’appareil.
Au premier rang, évidemment, la peau qui recouvre le fuselage en tubes en remplacement de la toile. Le gain en trainée induite est réel. Pour autant, la première version était un peu lourde. La nouvelle, grâce au positionnement de quelques omégas, a permis de gagner de l’épaisseur sur la totalité des coques, donc du poids. Autre avantage, une finition très propre de ce que j’appelai le triangle de la honte sur les Sky ! Etanchéité déplorable, esthétique absente...
Mais aussi, la dérive plus haute et les winglets en extrémité d’ailes. La dérive permet d’obtenir un meilleur moment (bras de levier) sans l’utilisation d’une sous dérive comme sur les Skyranger.
Les winglets sont le fruit d’une longue étude, avec tests en soufflerie. Philippe Prévot poursuit ainsi son partenariat avec les Ecoles et Universités aéro Toulousaines. Cette idée est à souligner pour sa pertinence. La possibilité offerte à des étudiants de faire l’apprentissage de tous les outils technologiques à leur disposition sur des cas concrets, avec une surveillance et un encadrement par les meilleurs chercheurs, constitue un gage de qualité et de progrès pour l’entreprise qui s’investit dans le projet.
Ces fameux winglets n’ont pas le même rôle que ceux visibles sur de nombreux gros porteurs, mais ils s’en approchent, en permettant un écoulement moins perturbé en extrémité d’aile donc une amélioration de la portance sur cette partie de l’aile.
Le plein s’il vous plaît !
En poursuivant le tour extérieur, je découvre, sous la cellule, la prise pour le remplissage des réservoirs. Recommandée sur tous les Nynja, l’installation d’une petite pompe électrique qui amènera le carburant du bidon aux réservoirs. Vanne avec clapet anti retour montée en passe coque. Un bout de durite avec une vis en extrémité sert de bouchon anti corps étrangers, comme disent les toubibs.
Je n’ai jamais vraiment apprécié cette formule qui oblige à avoir au moins un bidon vide à portée de main pour faire le plein de carburant, comme sur le Storch par exemple.
Avec toutefois une différence, il reste toujours la possibilité, ici, de rentrer avec le pistolet de la pompe dans la cabine et de l’introduire dans les réservoirs...mais bon pas terrible quand même. Il pourrait bien y avoir du changement sur ce sujet, incessamment sous peu et peut-être même avant !
Certains monteurs de Nynja redoublent d’astuce : une pompe fixée sur une platine sur le montant de cabine et le tuyau de remplissage qui se range dans le hauban !
Fente
Suite du tour de la machine, avec la découverte des volets à fente. Dans le kit standard c’est une lame en alu rivetée sur le dessus de l’aile dans le tube de bord de fuite. Cette lame de métal recouvre la naissance du volet. Le volet est déporté sur l’arrière. En position 0 degré, il y a parfaite continuité de l’extrados et aucune perturbation de l’écoulement des filets d’air par de l’air qui passerait entre le bord de fuite de l’aile et le volet. En position basse, comme tous les volets, on va obtenir une incidence plus forte, et la possibilité d’afficher une vitesse plus basse. Mais grâce aux volets reculés, une lame d’air va passer de l’intrados à l’extrados. Cette lame d’air va accélérer l’écoulement de l’air et recoller au profil des filets d’air qui ne portaient plus grand-chose... Du coup vous l’avez compris, la portance est renforcée, on peut encore abaisser la vitesse d’approche !
On se demanderait presque, pourquoi il n’y en a pas sur toutes les machines! Sur ce modèle un montage spécifique a été réalisé à l’initiative personnelle de Jean-Claude. La feuille d’alu jugée trop épaisse et trop lourde a été remplacée par une feuille mince, mais avec une espèce de béquille de soutien. Evidemment il s’agit d’une modification qui n’engage que son auteur, avec un gain de poids significatif selon lui. Il se pourrait bien que Philippe Prévot surveille de près cette modification pour voir son évolution dans le temps...
Adaptabilité
Ce genre d’adaptation est aussi l’un des avantages des BestOff, Skyranger ou Nynja, se sont tous des kits d’appareils parfaitement étudiés, mais qui permettent aussi quelques modifications. Mais attention, sur cet exemple précis, on modifie une partie de la conception de la voilure et de ce fait cela peut relever de la modification majeure et son auteur endosse alors la responsabilité de constructeur. Toujours dans ce qui se voit, mais aussi le confortable, cette version dispose d’une option qui pourrait bien se retrouver au catalogue un jour prochain, lorsque, la phase d’essais bouclée, ces élargisseurs de cabine seront validés par BestOff. Ils permettent un gain de 12 cm sur la largeur de la cabine, et où on en a le plus besoin, aux épaules ! Au passage on admire la visibilité arrière, y compris sur la dérive. Le vérin qui maintient la porte ouverte, agréable pour monter à bord. Et pour les amateurs de gain de poids, la possibilité de gratter en les supprimant !
Bon et maintenant découvrons le compartiment moteur !
L’ajustage des capots est bien réussi sur cet appareil et du coup, montage et démontage de la moîtié supérieure sont aisés. Pour moi c’est un élément de sécurité. En effet cela encourage à faire une vraie pré-vol avec soulèvement du couvercle de la marmite, avant d’y envoyer la pression !
A contrario, le fait que sur ces versions le radiateur d’eau soit encore attaché au capot inférieur et non au moteur, complique le démontage pour vérification, même si c’est une modeste complexité. C’est vraiment une particularité BestOff, que l’on ne retrouve pas sur d’autres constructions. Là aussi du changement dans l’air en prévision...
L’avancée de la cloison, même si elle s’est accompagnée d’une avancée du moteur, diminue encore un peu l’espace entre celle-ci et l’arrière du moteur. On est donc passé aux filtres à air format “camembert” à la place des coniques. Il ne reste guère d’espace à l’intérieur du compartiment pour ce Rotax 912 de 80cv et l’adoption du kit échappement est vivement recommandée pour les soudeurs non aguerris. Plan, dimensions, sont optimisés pour permettre le passage de toutes les durites et périphériques. De plus elle vous permettra de gagner 2 kg par rapport à un échappement standard.
Au passage joli montage du radiateur d’huile, avec une sangle de secours au cas où le silentbloc lâche et un joli carénage pour faire conduite d’air forcée, depuis le capot.
Assoyons-nous !
Il est temps de s’installer à bord. J’occupe un certain volume avec mes 85 kg et mon copilote du jour un solide gabarit de 90 kg, aussi ! Premier constat, même portes fermées, on est à l’aise. D’ailleurs la console centrale reste parfaitement visible et accessible, même aux hanches. Le siège gauche est réglable permettant d’assurer une bonne position de pilotage.
Pour un réglage de l’assise, il faut prévoir la hauteur idéale à la construction...
Toujours dans la découverte du paysage qui s’offre à moi, je trouve tout sur ce tableau de bord central, sobre. Le robinet d’essence, le démarreur, les contacts allumages, tout est là devant moi, en plus des instruments de vol et de surveillance moteur. La poignée de parachute est aussi là, au-dessus du tableau de bord... Comme je n’ai jamais essayé et que je ne le souhaite pas, je reste sur ce que disent certains spécialistes: il se pourrait qu’il soit impossible, dans certaines configurations, de lever le bras, à cause des G encaissés et d’atteindre une poignée située en hauteur. L’idéal serait de pouvoir positionner la poignée à la hauteur des genoux, dans l’axe du bras plié le long du corps. Chacun fait comme il veut, bien entendu. Mais je suis surpris une fois de plus, de constater que le concepteur ne préconise pas le “meilleur” emplacement.
Avec le manche double, la commande de gaz est centrale et unique. Dans mon dos, derrière les sièges baquets, deux réservoirs permettent de stocker un peu plus de 50 litres de carburant. Bien repéré, le niveau de carburant est parfaitement visible depuis ma place.
Pas de jauges, pas de flotteurs, pas d’électricité, pas de “lumières” découpées dans la cloison pour se faire une hypothétique idée du niveau, pas de tubes, on voit, on sait! Quoi de plus fiable ? Au-dessus des réservoirs un grand sac à bagages, à charger modérément.
Au-delà du sac, vers l’arrière, suspendu dans son sac souple, le parachute.
L’appareil sur lequel je mène l’essai est un prototype de 280 kg environ. Les versions définitives sont à 278 kg avec parachute, environ 271 sans et pour la Grande-Bretagne, l’appareil dispose d’un certain nombre d’aménagements pour rester à 269 kg maximum sans parachute. Compte tenu du poids de l’équipage et du carburant on va voler à 472 kilos. Cherchez pas, on a fait exprès, en retirant un poil de carburant ! On part avec un peu plus de 20 litres de carburant soit deux heures et demi de fonctionnement en respectant la technique de Jean-Claude.
Moteur !
Vous savez tous comment démarre un 912 UL ? En tournant la clé de contact !
Température d’huile à 50°, le décollage s’effectue en 10 secondes de roulage. Pour cette prise en main, je me laisse piloter.
Méthode hyper souple du pilotage de Jean-Claude, plein gaz, allègement de la roulette de nez, rotation, palier, puis pente de montée remarquable à la masse max de 700ft/minute à 110 km/h. A 500 pieds sol, on passe à 4500 tr et l’appareil s’inscrit dans une pente de montée confortable, avec un moteur modérément sollicité. Vers 1000 pieds, mise en palier par réduction des gaz et légère action sur le trim. A 4000 tours, nous sommes à 135 km/h.
Dehors, c’est beau ! On a le temps d’admirer, les petites turbulences sont absorbées par la structure tubes et toiles, c’est grand confort ! Je retrouve le plaisir de voler comme dans mon premier appareil, un Skyranger Synairgie, c’est “Retour vers le Futur” qui se joue !
Un détail attire mon attention sur le tableau de bord, “vitesse de croisière 4000 tours” ! C’est ce que Jean-Claude a inscrit à l’attention de ses élèves. Résultat une consommation moyenne de 8l/h en école. Qui dit mieux ? Et du coup vous comprenez les deux heures et demie d’autonomie.
Bon maintenant, pleine vitesse ! Jean-Claude fait la grimace, afficher 5400 tours en palier, ça lui plait pas... Nous ne faisons pas les trois branches, mais il n’y a pas de vent ou presque pas, on atteint 179 km/h au badin. J’abrège sa souffrance et demande à faire le triangle à 5000 tr, plus représentatif de ce que nous pourrions faire au quotidien. On relèvera une vitesse moyenne de 173 km/h badin et 166 GPS. Je suis un peu surpris, je m’attendais à mieux... Enfin à une différence plus importante entre 5400 et 5000 tours! Jean-Claude fait la grimace...c’est sa faute... Il n’a pas mis les cales dans les ailes ! Le fameux nouveau brevet de BestOff n’équipe pas la machine que j’essaye ! Du coup je comprends mieux pourquoi l’intrados paraissait si creux. Or c’est vraiment aux hautes vitesses que les cales sont utiles. Avec ces cales, il est annoncé une vitesse de 185 km/h avec un régime aux environs des 5000 tours.
On redescend vers la Va (137 km/h) pour faire la suite des essais (que j’aime pas...!).
Stabilité roulis : si on met l’appareil en virage à 30° que se passe-t-il ? En gardant les pieds sur le palonnier on reste en virage et on fait un gentil 360°. En lâchant le palonnier, l’appareil revient sagement à plat environ 10 à 12 secondes plus tard. Tout va bien.
Stabilité tangage : bien trimé en palier, on pousse le manche et on relâche pour voir. L’appareil revient à son palier après 1,5 oscillation.
Lacet inverse : on envoie du manche sans les pieds (faut vraiment être stupide pour faire un truc pareil !). L’appareil se met d’abord en crabe avec le nez un peu vers le haut, puis finit par tourner, si, si ! Entre temps la bille s’est barrée ! Mais juste d’une fois elle-même, ce qui, comparé à mes souvenirs du Sky Synairgie, me paraît assez raisonnable.
Restent plus que les vitesses mini, ça s’est vraiment important.
Tout réduit, en lisse, le décrochage se produit à 73 km/h (badin) et volets sortis, 65 km/h (67 au GPS) Chouette, un ULM ! Dans les deux cas les proprioceptifs auront enregistré des vibrations et des mini secousses annonciatrices du décrochage sur leur sismographe... fondamental !
Avec 3000 tours (vraisemblable dans l’approche en tour de piste d’un aérodrome), volets sortis, le décrochage se produit vers 67 km/h badin.
Dans ce cas l’abattée est plus franche avec une tendance à partir sur la droite, contrôlable aux pieds, sans difficulté.
Voilà pour les amateurs de factuels !
En ce qui me concerne ce que je préfère c’est le ressenti, et là je suis heureux !
La machine que j’essaye est parfaitement montée et réglée. C’est le secret pour un vol stable et une machine homogène aux commandes.Toutes , les pieds aussi !
Je suis content de retrouver des sensations de pilotage déjà connues. La machine pardonne vraiment les petites erreurs de pilotage, elle vole bien à plat, revient dans sa ligne de vol si on lâche les commandes, une fois bien réglée. L’approche peut se faire vraiment à basse vitesse, même à la masse max. On peut se faire des glissades efficaces et se poser en 75 mètres, c’est ce que j’ai pu vérifier à plusieurs reprises, avec ou sans moteur, décoller sur la même distance, voler à 130 comme à 170 km/h voire plus avec les cales... Hein, Jean-Claude ?
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