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Nuages et fronts

Article paru dans ULMiste n°14, mars 2013

 

Nuages et fronts

 

Rêvons un peu : un ciel bleu et limpide toute l’année, l’immatriculée conception, l’azur à profusion pour aller tutoyer le firmament. Il n’y a pas de mal à se faire du bien. J’attire l’attention du lecteur sur la conscience professionnelle de votre narrateur préféré. Je ne veux rater aucune occasion de vous divertir. En plus, j’aurais des scrupules à vous ennuyer, surtout quand je vois le prix du magazine.

Malheureusement, il faut bien admettre que tous ces nuages qui encombrent le ciel ne sont pas toujours nos copains. On doit bien souvent s’en accommoder, toujours ronger son frein et prendre son mal en patience. Parfois cependant on peut en tirer parti, apprendre à lire le ciel, comprendre la Nature. Voilà donc le défi que je vous lance aujourd’hui.

 

Arnaud Campredon

 

Chaud devant 

 

A l’avant d’une « perturbation classique Â» on trouve le plus souvent le front chaud. L’air chaud plus léger glisse doucement en montant le long de l’air froid plus dense. La pente est très faible, en moyenne de l’ordre de 1 à 2 % (1 à 2 km dans le sens de la hauteur, pour 100 km dans le sens de la longueur). L’ensemble se déplace d’ouest en est. Le front marque la limite au sol entre ces deux masses d’air aux caractéristiques bien différentes.

 

Le soulèvement progressif entraîne un refroidissement le long de l’ascendance. La  vapeur d’eau se condense. Les nuages qui apparaissent, sont de type stratiforme, car le soulèvement très lent, se fait suivant la pente douce. L’air chaud s’élève sans effort au-dessus de l’air froid. La couche nuageuse s’épaissit à l’approche de la perturbation. Simultanément, le vent au niveau du sol s’établit au sud-ouest et se renforce.

Bien à l’avant du front, on aperçoit parfois des traînées de condensation qui persistent loin derrière les avions à réaction. On peut en déduire une forte humidité dans les couches supérieures de l’atmosphère, ainsi qu’une possible aggravation dans les heures qui suivent.

Par contre, quand les traînées s’effacent rapidement, c’est que les couches supérieures sont très sèches, donc pas d’aggravation à venir.

Fig01 : Trainées de condensation s’amplifiant derrière les jets. Forts risques de dégradation. 

Fig02 : Trainées de condensation s’effaçant derrière les jets. Peu de risques de dégradation. 

Dans l’ordre chronologique on voit d’abord apparaitre les cirrus (souvent uncinus photo no 1), filaments blancs en forme de virgule. Ces nuages se situent vers 7 000 m d’altitude. Ils sont composés de cristaux de glace en suspension. Ils ne constituent donc aucune gêne pour notre activité. Cependant, ils annoncent bien à l’avant l’arrivée du front chaud. Quelques heures plus tard, les cirrus laissent la place à un voile de cirrostratus (photo no2), vers 6 000 m d’altitude. La lumière, diffractée par les cristaux de glace, entraine la formation d’un halo autour du soleil. Ensuite, le voile de cirrostratus s’épaissit lentement en s’abaissant progressivement. Vers 3 000 m, l’altostratus (photo no3) constitue une couche uniforme, plus dense que le cirrostratus. On peut encore apercevoir le soleil, comme au travers d’un verre dépoli. Après c’est la pluie sous le nimbostratus (photo no4). Beau temps pour ramasser les escargots.

Photo no 1: Cirrus uncinus.

Photo no 2: Cirrostratus et son halo.

Photo no 3: Altostratus.

Photo no 4: Nimbostratus.

Figure 3 : l’air chaud passe au-dessus de l’air froid suivant une pente de 1 à 2 %.

Figure 4 : structure classique d’un front chaud.

Le secteur chaud représente la zone intermédiaire entre le front chaud et le front froid. C’est de l’air tropical qui s’est chargé d’humidité en survolant l’océan. Quand cet air doux et humide arrive sur un sol plus froid, on observe de la condensation. Selon la situation (vent, température de l’air et du sol, degré d’humidité au départ), ça peut donner du mieux au pire :

 

Des strato-cumulus assez haut qui s’accompagnent de pluies éparses. Ces courtes ondées peuvent entraîner de petites réductions de visibilité, sans trop grandes conséquences.

Des strato-cumulus bas ou des stratus. Ce qui est bien plus ennuyeux car la couche nuageuse peut déjà accrocher les premiers contreforts du relief. On peut craindre maintenant des précipitations plus intenses qui réduisent salement la visibilité.

 

Froid derrière !

 

A l’arrière de la perturbation, l’air froid plus dense et plus rapide, rattrape l’air chaud plus léger. Cette fois-ci, le soulèvement est beaucoup plus franc que dans le cadre du front chaud. La pente est voisine 10 %. Les nuages qui se développent rapidement, se manifestent par des précipitations brèves et intenses. Un fort contraste thermique entre l’air chaud antérieur et l’air froid postérieur, renforcera le soulèvement ainsi que l’intensité des précipitations. Une masse d’air stable limitera quand même un peu cette expansion. Par contre, si l’air chaud propulsé en altitude présente un caractère instable, de puissants cumulonimbus s’aligneront tout le long du front et la brutalité des pluies sera nettement accentuée. Attention : le front froid peut vous réserver de mauvaises surprises.

Figure 05 : Pente du front froid.

Figure 06 : Structure d’un front froid en air stable.

Figure07 : Structure d’un front froid en air instable.

En été, sous nos latitudes, la perturbation classique est souvent amputée de son front chaud. Au printemps, dans la traîne, un petit front froid secondaire peut se former, après le passage de la perturbation, quand de l’air plus froid que l’air froid postérieur, descend du nord-ouest. Dans ces deux cas, le front froid se présente souvent seul et contrairement au front chaud, il n’est pas précédé par les habituels nuages d’altitude (Cirrus, cirrostratus et altostratus) qui pourraient annoncer son arrivée. Comme il se présente rapidement et parfois brutalement (parfois juste un voile de cirrocumulus à l’avant, photo no 5), il révèle un caractère sournois voire même dangereux. Il s’accompagne souvent de pluies orageuses, aussi soudaines qu’irrégulières, associées à de grosses turbulences.
 

Photo no 5 : nuages de type cirrocumulus à l’avant d’un front froid

Après le passage du front, l’irruption d’air froid fait baisser nettement la température. L’air polaire rentre en effervescence  au contact des sols chauffés par le soleil. La masse d’air instable se caractérise par des nuages convectifs poussés par le vent  et parfois chargés d’averses.  A ce régime de temps versatile et capricieux, les météorologistes ont donné un nom : la traîne. 

 

La traîne

 

il existe autant de types de traînes que de types de perturbations. Mais pour faire simple on distinguera trois catégories.


D’abord la traîne active. L’air froid occupe une bonne épaisseur de l’atmosphère. Les cumulus, congestus et autres cumulonimbus occupent tout le ciel, en donnant des averses localement orageuses. Les nuages défilent rapidement dans un ciel chaotique. Ils sont poussés par des vents de nord-ouest soutenus. Ces traînes chargées sont fréquentes en mars ou avril. C’est l’époque des giboulées. L’air froid qui descend en droite ligne des pôles, vient bouillonner au contact des sols qui se réchauffent d’autant mieux que le soleil est déjà haut sur l’horizon. Les conditions de vol sont peu favorables. Les vents sont trop forts. Il faut craindre de violentes turbulences suite à une forte activité convective. La base des nuages s’échelonne de 600 à 1200 mètres en hiver, un peu plus en été, mais elle peut baisser rapidement sous les averses. Souvent dans cette masse d’air polaire, de l’air encore plus froid vient remplacer l’air froid initial et amplifier l’activité de la traîne. On assiste alors au passage d’un front froid secondaire.            

   

La traîne modérée : la hausse du champ de pression entraîne un début de stabilisation de la masse d’air par le haut. Les cumulus sont moins développés que dans le cas précédent. Cependant, avec l’humidité résiduelle, la situation évolue souvent en strato-cumulus et de petites ondées sont encore possibles. Les conditions sont moyennes en plaine. Les versants nord du relief des Alpes et des Pyrénées restent pris par les nuages.  On rencontre souvent ces traînes modérées en automne. Le contraste thermique est peu marqué, car d’une part, les sols  se réchauffent beaucoup moins vite. Effectivement,  le soleil est déjà beaucoup plus bas sur l’horizon. D’autre part, la masse d’air est globalement moins froide et plus humide.  

     

La traîne faible : avec la hausse de champ qui se maintient, la masse d’air poursuit son assèchement  par le haut. Une couche d’inversion de subsidence très sèche se forme à partir de 3000 m. Elle va limiter l’expansion verticale des cumulus. Le ciel est parcouru par des cumulus peu développés. On parle d’un temps variable, ou encore d’un beau temps nuageux. La visibilité est excellente, car la pluie précédente a lessivé l’atmosphère de toutes ces impuretés. La base des cumulus se situe entre 1000 et 2000 m en fonction de la température sol. Le vent de nord est faible. En plaine, les conditions sont idéales. En montagne, c'est une autre histoire. Car il ne faut pas que les versants nord du relief soient pris dans les nuages. 

Figure 09 : différents type de traînes représentés par leurs nuages.      


Dans les traînes actives, la visibilité sous averses peut baisser brusquement. Le pilote peut altérer sa route pour éviter les giboulées. Mais le contournement de l’obstacle engendre une navigation difficile, avec des repères plus difficiles à trouver. Attention donc de ne pas se perdre.

Figure 10 : Navigation rendue difficile par les averses, sous une traîne active.

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