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Gaétan de Truchis

Article publié dans ULMiste n°17, août 2014

 

Gaétan de Truchis, tombé dans la marmite à 52 ans !

 

ULMiste : Gaétan, il ya quelques numéros, nous avons publié un éditorial incitant les gens à ne pas trop attendre si l’envie de voler les habite depuis qu’ils sont tout petits. Tu es un peu un contre-exemple et c’est pourquoi ton parcours nous intéresse aujourd’hui, dans la mesure où tu pourrais rassurer ceux qui craindraient de trop attendre. Peux-tu nous parler de ton parcours personnel, de ton attrait pour l’aviation et de l’éventuel lien entre les deux ?

 

Gaétan : tout d’abord, un peu étonné que tu veuilles m’interviewer, je pense ne pas être tant que ça un bon contre-exemple dans la mesure où, m’étant en effet mis à l’aviation à 52 ans, j’ai tout de même beaucoup regretté de ne pas m’y être mis plus tôt. Cela dit, si j’avais commencé plus jeune, je n’aurais probablement pas eu la chance de connaître l’ULM, j’aurais fait de l’avion. J’ai passé mon existence, avec ma culture judéo-chrétienne et mes responsabilités familiales, à penser que j’en avais tellement envie que, finalement, cela ne m’était pas autorisé.

A l’été 1999, un ami m’a prêté sa maison dans le Médoc, près de Saint-Estèphe. A force de passer devant un panneau indiquant « Club ULM », vers la fin des vacances, l’avant-dernier jour, j’ai tourné mon volant. J’ai trouvé un hangar fermé  et un numéro de téléphone sur une planche de bois. Un monsieur m’a dit « oui, je peux vous faire voler, mais attention, je ne fais que du multiaxes, pas du pendulaire », ce à quoi je répondis « monsieur, je ne comprends rien à ce que vous me dites, je ne sais pas de quoi vous parlez ». Je découvris ainsi le lendemain celui qui devint un de mes grands amis, Jacques Brousseau, l’animateur de St-Estèphe. J’ai volé sur un Hurricane, un ULM des années 80 à poutre et je suis resté très attaché à St-Estèphe, club dont je suis toujours membre.

C’était la fin des vacances et il fut convenu avec Jacques je pouvais continuer l’apprentissage où je voulais. J’ai ainsi atterri aux Noyers, où j’ai rencontré Gérard, Martine et Mathieu Cange. Je suis entré avec passion dans ma formation au mois d’octobre 1999. En décembre, j’avais réussi à convaincre un ami, Yves Zagli, pilote planeur et avion, constructeur d’un Quicksilver, d’acheter en copropriété avec moi le Savannah d’école.

 

ULMiste : donc, ceci, trois au quatre mois après ton baptême !

 

Gaétan : oui, tout à fait, j’étais encore élève. Gérard Cange accepta le principe que je poursuive ma formation sur mon appareil. Je dis « le principe » parce-que nous avions acheté cet appareil le 24 décembre 1999. Le 26 décembre, l’ULM était complètement broyé par la tempête (Lothar, NDLR). Heureusement, Yves nous avait fait prendre une bonne assurance. Gérard a proposé de mutualiser le produit des assurances entre les membres du Club. De notre côté, nous avions récupéré moteur, instruments, hélice, etc. mais du faire faire une nouvelle cellule. Et j’ai pu poursuivre ma formation sur la machine que Gérard venait de monter pour remplacer la nôtre en école. J’ai été lâché au mois de mars, mais j’ai du attendre le mois de mai pour voler parce qu’il a fallu attendre que mon appareil soit réparé. Nous avons nommé ce Savannah « Tempête ». Depuis je me suis amusé, parce-que je suis un grand affectif, à donner des noms à tous mes appareils.

 

ULMiste : avant ce baptême de l’air, est-ce-que l’aviation, les choses de l’air, t’attiraient d’une manière ou d’une autre ou pas du tout ?

 

Gaétan : oui, tout gosse je construisais des maquettes en plastique, je lisais des trucs d’aviation, Clostermann etc., dès qu’il y avait un avion en l’air je secouais mon bras pour dire bonjour tout en sachant qu’on ne pouvait pas me voir, etc. J’ai toujours été passionné, j’avais envie de voler.

 

ULMiste : et jusqu’à tes 52 ans, tu as donc estimé que ta carrière professionnelle, tes devoirs familiaux, l’éducation de tes quatre filles primaient sur tout le reste.

 

Gaétan : oui. Et quand j’ai commencé à voler, j’ai découvert un univers magique ! J’éprouvais la satisfaction de la réalisation d’un rêve, mais aussi des sensations que je ne soupçonnais pas. Par exemple, dans mes débuts, j’éprouvais un sentiment extrêmement sensuel après le dernier virage à la vision de la piste que je devais rejoindre.

J’étais toujours à travailler dans la banque, puis j’ai commencé le pendulaire à Val-de-Reuil et il m’arrivait d’aller en vol prendre mes leçons de pendulaire, le roi n’était pas mon cousin. Mon instructeur était François Dehors sur un Air Création Quartz 18 503. C’était en 2000, je fus breveté un an après l’avoir été en multiaxes. J’ai eu vraiment le sentiment d’apprendre à voler dans la mesure où je savais certes piloter mon Savannah, mais avec le pendulaire je découvris le vol « au feeling ».

 

ULMiste : le fait d’apprendre quasi simultanément le multiaxes et le pendulaire t’a-t-il posé des problèmes ? Le déconseillerais-tu ?

 

Gaétan : il n’y aucun problème ! Je l’ai pratiqué ensuite comme instructeur, j’ai formé des pilotes avion en pendulaire et des pilotes pendulaire en trois-axes. Cette idée que « les commandes sont inversées » et tout ça, c’est des carabistouilles, en deux-trois leçons le problème est réglé. En cas de gros stress en début de formation on peut en effet avoir un contre-réflexe, mais ça passe vite. 

Pour ma part, ce qui m’a marqué au début du pendulaire, ce n’est pas l’inversion des commandes, mais cette espèce d’appréhension du vide que j’avais. Le fait d’être à l’air libre un peu comme avec le Hurricane de mes découvertes, alors que j’avais pris l’habitude de voler dans une cabine fermée, me faisait forte impression.

 

ULMiste : comment t’est venue l’idée de devenir instructeur ?

 

Gaétan : j’ai eu la chance de voir la banque dans laquelle je travaillais rachetée par une autre, qui a fait un plan social. Ce qui permettait de partir avec des indemnités conséquentes. J’avais 54 ans, je suis parti avec deux ans de salaire et ma formation d’instructeur ULM financée. J’ai donc passé quatre mois à Montmorillon, qui était à l’époque le CNULM, pour mes formations. Avec la moitié de mes primes et le fruit de la vente de mon premier Savannah, j’ai acheté un Bingo 582, « Prof » et un pendulaire Air Cré GTE 582 Kiss 450, « Atchoum ». J’ai commencé à instruire aux Noyers et à Saint-André de l’Eure, qui cherchait un instructeur trois-axes. C’était en juillet 2002. Mon école s’appelait « Libre Max ULM ».

 

ULMiste : pourquoi « Libre Max ULM » ?

 

Gaétan : à cause de la chanson (« Il est libre Max », Hervé Christiani, NDLR). Je sortais d’une vie dans la banque, loin d’être inintéressante, une vie même assez forte. Mais d’arrêter de prendre l’A14 pour aller à la Défense tous les jours et d’avoir comme bureau des ULM, le ciel et la campagne, me faisait me sentir libre !

 

ULMiste : et tu ne faisais strictement que de l’école ?

 

Gaétan : oui, sur le plan mécanique j’ai deux mains gauches, je me sentais incapable de faire autre chose que de l’école. Je ne sais donc pas si j’aurais été un bon instructeur ou non, mais je pense avoir su transmettre à mes élèves qu’il vaut mieux s’adresser à des gens compétents que de faire des conneries toute sa vie. Heureusement j’ai trouvé autour de moi beaucoup de gens merveilleux qui m’ont aidé pour l’entretien de mes machines. En venant à l’ULM, je partais de zéro après une carrière où entre guillemets j’avais une certaine position sociale et un certain pouvoir. Je me retrouvais tout petit bonhomme là-dedans à tout redémarrer, mais ça a fait beaucoup de bien à ce que j’avais à soigner… ça m’a bien appris la modestie, voilà !

Mon ex-employeur comme l’ANPE ont bien compris qu’à 54 ans le meilleur moyen de trouver du travail est de le créer, j’ai su les convaincre que je gagnerais de l’argent, ce qui n’est évidemment pas arrivé, mais ça m’a permis de profiter du système…

 

ULMiste : je t’interromps, pardon : pourquoi dis-tu « évidemment » ?

 

Gaétan : parce qu’en ne faisant que de l’instruction, on ne peut pas gagner d’argent.

 

ULMiste : mais ça, tu le savais, ou tu t’en es rendu compte plus tard ?

 

Gaétan : au départ je pensais que ça serait dur, qu’il me faudrait faire énormément d’heures (mais pas beaucoup plus que ce que je fis réellement), mais je dois à l’honnêteté de dire que je savais que je profiterais du système, c’est-à-dire que j’aurais trois ans de chômage, que je ne gagnerais pas plus que les 70% de mon ancien salaire, mais que mon déficit serait un avantage fiscal. J’avais tout de même une poire pour la soif, n’ayant pas dépensé toute la prime de licenciement. Certes, j’ai cotisé toute ma vie professionnelle, mais j’ai récupéré pas mal de ces cotisations avec mes trois ans de chômage. J’ai été un assisté, même si ce n’est pas l’image que j’aurais voulu avoir de moi-même.

 

ULMiste : un assisté légitime, quand-même !

 

Gaétan : oui, comme d’autres…

 

ULMiste : on va dire que c’est hors-sujet… pendant combien d’années as-tu pratiqué l’instruction ?

 

Gaétan : pendant une dizaine d’années. J’ai du prendre ma retraite réduite à 60 ans, puis j’ai continué à instruire jusqu’à 2012. Je suis toujours instructeur mais j’ai arrêté Libre Max ULM et je ne prends pas de nouveaux élèves. Eventuellement un peu de perfectionnement ou baptêmes pour d’autres.

 

ULMiste : combien d’heures en dix ans ?

 

Gaétan : à peu près 800 en pendulaire et environ 3000 en trois-axes. Pour un total de 5000 heures de vol aujourd’hui. J’ai du arrêter l’instruction en pendulaire à cause d’un problème à l’épaule, mais j’ai toujours un Racer pour mon plaisir personnel. J’ai changé ma XP 11 pour une Fun, pour travailler les thermiques. Ce qui me fait rêver, c’est le vol libre !

 

ULMiste : 5000 heures en 12 ans, tu as pris une bonne revanche !

 

Gaétan : oui, je ne suis pas tombé dans la marmite quand j’étais petit, mais à 52 ans.

 

ULMiste : as-tu appris des choses en étant instructeur ?

 

Gaétan : oui, bien entendu, j’ai appris à voler ! Avec la pédagogie et les diverses difficultés des élèves, j’ai appris à essayer de comprendre et trouver des solutions, j’ai donc progressé sur tous les aspects du vol. Quant au théorique, les fiches pédagogiques de Didier Horn m’ont bien aidé ! J’ai appris sur la réglementation, les plans de vol, la radio, la lecture des cartes aéro. Je proposais des cours théoriques gratuitement, y compris pour les « vieux briscards » qui volaient en serrant les fesses de peur d’être en infraction sans le savoir. Certains se sont mis à voler en navigation. Et j’ai vécu une immense et exceptionnelle expérience en initiant à l’ULM Patrice Radiguet (fondateur des « Mirauds Volants, les pilotes non ou mal voyants) avec l’aide de la FFPLUM. Lors du Tour ULM 2003 sur « Prof », nous avons testé le prototype « sound flyer » un appareil développé par Thalès pour permettre à ces pilotes de voler de la manière la plus autonome possible. Voler, c’est « voir et être vu », mais pas que... loin de là.

 

ULMiste : pendant ce temps, tu as aussi fait quelques voyages, je crois…

 

Gaétan : oui, j’ai eu des moments forts ! Ma première année après mon brevet, j’étais parti avec Patrick Slosse sur son FK9, comme navigateur au Maroc avec Grand Sud Evasion. J’en garde un merveilleux souvenir. Je me mettais en rivalité avec le GPS de Patrick et nous nous sommes félicités du fait que finalement son GPS n’était pas mauvais, puisqu’il était d’accord avec moi. Cette expérience m’a décongestionné sur les voyages à l’étranger.

J’ai vécu une autre chose dont je garde un très grand souvenir, avec mon Bingo HKS « Milou » : Peyo (Pierre Pouchès, NDLR), avait suggéré à Bruno Picot de m’engager comme instructeur sur un raid en Roumanie. Nous sommes partis en vol avec la bande de Romans (Claude Delluc) que nous avons retrouvée à Ulm en Allemagne et il se trouve que finalement c’est moi qui faisais les plans de vol et la radio en anglais pour une dizaine d’appareils depuis l’Allemagne jusqu’à la Roumanie. J’étais assez fier. Ce raid a duré une semaine en Roumanie. Au retour, Henry de Lavenne voulait que nous passions par l’Adriatique, nous nous sommes retrouvés à cinq appareils par Zagreb, l’Adriatique, Venise… J’étais tellement impatient de retrouver les gens que j’avais envie de voir, les amis, ma « Marie Pilote », que le dernier jour, départ de Turin, déjeuner à Albertville et arrivée aux Noyers vers dix heures moins le quart le soir. Ce jour-là j’ai volé près de dix heures, parfois à 60 km/h sol. Le jour où j’ai volé le plus.

Aussi « la Corse par l’Italie » (cf le n°1 d’ULMiste) et plusieurs fois Italie et Espagne.

Aujourd’hui je n’ai plus tellement envie de passer les frontières, sauf en catimini en Espagne ou en Italie, mais je n’ai plus envie de vivre les tracas administratifs ! Ma participation au raid qui refaisait le parcours de l’Aéropostale m’a bien refroidi à ce sujet. Grosse organisation, avec sponsors, étiquettes sur les machines, les vêtements, etc., on agitait le porte-monnaie comme si nous étions une sorte de Paris-Dakar. C’était absolument épouvantable pour ce genre de raisons : l’obsession de nous faire payer pour tout. J’ai fait ce raid avec Marie que j’avais pu associer en tant qu’infirmière anesthésiste. Nous avons fait ce raid en Icarus C22, le moteur ratatouillait au-dessus de Gibraltar, pas agréable. Un peu comme le service militaire : je ne le referais pas, mais content de l’avoir fait.

 

ULMiste : penses-tu qu’un pilote ULM doit impérativement voyager ?

 

Gaétan : non, je pense qu’un ULMiste doit prendre son plaisir et il y a mille façons ! Mais un ULMiste ne doit pas s’empêcher de voyager pour de mauvaises raisons ! Soit par manque de formation ou des raisons de timidité ou de crainte. On voit de belles machines qui font du local. Essayez au moins de passer une nuit dehors, ça change l’approche et la mentalité !

 

ULMiste : l’ULM t’a aussi amené à rencontrer « Marie Pilote »

 

Gaétan : oui, j’ai formé au pilotage la femme que j’aime ! Je l’admire énormément car elle fait partie de ces élèves qui continuent à voler, ce qui n’est pas toujours le cas. Elle voyage, elle a fait les championnats de France, elle est passionnée ! Une élève dont je suis très fière.

Il y a un autre élève dont je suis très fier, c’est Charles Donnefort.

 

ULMiste : Charles Donnefort qui est maintenant ingénieur aéronautique et tenait une rubrique dans Volez ! sur l’aviation électrique et très impliqué dans les projets de Daniel Dalby (Pouchel).

 

Gaétan : tout à fait. C’est un univers, celui de Daniel Dalby, que je trouve très touchant. J’avais connu Charles pendant ce raid jusqu’au Sénégal, il était déjà pilote planeur.

J’ai beaucoup d’autres élèves que j’admire et que j’aime. Comme je ne peux pas les nommer tous, je n’en nommerai aucun.

 

ULMiste : causons un peu de choses qui sont parfois sujet à polémiques. Que penses-tu du niveau de formation des instructeurs et des formations des pilotes, sachant que tu as toi-même reçu une excellente formation chez Didier Horn ?

 

Gaétan : oui, je tiens à le souligner ! Il y a la place pour laisser aux gens la possibilité de faire une bonne formation ou non. On est dans un univers de responsabilité. Je vois beaucoup d’instructeurs que je connais et que j’apprécie, qui sont bons et font des formations sérieuses. Mais après l’époque de ma formation, il me semble que les choses se sont parfois dégradées. Ainsi par exemple, certains clubs avion pensent qu’ils sont forcément meilleurs et que l’ULM étant un « sous-avion », qui peut le plus peut le moins et qu’il est mieux de se former dans un club avion que dans un club ULM. Et ça donne des conversions entre guillemets entre avion et ULM et aussi des ab-initio, qui volent avion en ULM.

Notre liberté nous est octroyée en vertu de la faible énergie cinétique due au poids. A partir de ce moment-là, on vole dans un état d’esprit de panne moteur potentielle. Je considère ainsi que l’examen d’emport passager est beaucoup plus important que le brevet. On doit voler ULM. C’est là que je fais la différence entre les instructeurs avion qui enseignent l’avion sur ULM et les autres. Il y a beaucoup d’instructeurs avion qui ont bien compris et travaillent bien. Mais il y a trop d’anciens pilotes avion qui volent sur de beaux ULM et ne se posent pas sur des pistes ULM de peur de tout casser. C’est le seul registre sur lequel je trouverais que la formation n’est pas suffisamment sérieuse. Mais je pense que le programme actuel, du moins celui que j’ai suivi, est bon. Certes, il faudrait faire plus de navigations et là se pose aussi un problème de budget pour l’élève. Mais on peut aussi travailler les intégrations et la radio sans forcément aller très loin. Là où la formation actuelle pourrait pécher, c’est sur la navigation, contrairement à l’avion.

Je sais que tu n’es pas forcément un enthousiaste de la radio – moi non plus – mais je pense que la radio est l’occasion de finaliser sa formation et travailler la précision. Cela dit, le certificat radio que je proposais était tellement sérieux que beaucoup d’élèves allaient le passer ailleurs. Ceux qui l’ont passé avec moi sont contents !

Je proposais la formation gratuitement (même pour l’exercice à ceux qui avaient déjà leur certificat radio) aux membres du club, sur mon appareil, à la condition qu’ils aient eu leur brevet ULM avant moi. Pas un seul ne s’est présenté !

 

ULMiste : sur la radio, même si c’est toi qui nous fais l’honneur de la présente rubrique, je tiens à préciser la position de ULMiste : d’une part, aucune étude ne démontre une quelconque influence de la radio sur la sécurité, au contraire. Le BEA a démontré, en étudiant la moyenne de 1,5 abordages (qu’il faut désormais nommer « collision en vol »), par an, sur plus de dix, 100% des aéronefs qui sont entrés en collision se parlaient ou croyaient se parler à la radio. En espace contrôlé, la radio, qui facilite grandement la tâche, est bien sûr une bonne chose. Mais en auto-information, ça ne veut rien dire et surtout, moi le premier, en causant dans le poste on a tendance à oublier de regarder dehors. Ainsi, les écoles qui présentent comme un avantage l’obligation de radio sur leur terrain se trompent à mon avis. Leurs pilotes sont totalement perdus lorsqu’ils fréquentent un terrain sans radio, car leur réflexe premier n’est plus le regard, mais le son !

 

Gaétan : je t’ai bien lu souvent à ce sujet et je suis d’accord avec toi à 100%. Pour ma part, j’aurais tendance à penser que là où la radio n’est pas obligatoire, elle devrait être interdite !

 

ULMiste : avec ta permission, je ferai mienne cette belle formule à l’avenir !

 

Gaétan : nous parlions d’instruction et de pédagogie. A partir du moment où les espaces avec radio obligatoire se multiplient, l’apprentissage de la radio est un support pédagogique précieux pour travailler la lecture de cartes y compris VAC.

 

ULMiste : autre sujet délicat, les 450 kg. Toi qui es plus Rabelaisien que trappiste, qu’en penses-tu ?

 

Gaétan : (Rires) Mon appareil actuel, un Trial, est avec moi un « monoplace de voyage » dans les clous seulement quand je suis seul, en effet …

 

ULMiste : que devons-nous faire ?

 

Gaétan : on doit rester comme ça (sauf moi qui dois maigrir …), je suis pour la règle des 450-472.5 kg. C’est très délicat, je ne puis me permettre de donner de grands conseils, dérogeant moi-même à la règle. Le tout, si l’on commet la faute, est de le faire consciemment et ne pas le cacher au passager. Je n’emporte plus guère que des pilotes, conscients et souvent meilleurs que moi en train classique pour m’entraîner. Mais je ferais mieux en effet de ne plus recommencer et de faire pénitence. Que dire ?

 

ULMiste : que penses-tu de l’idée à laquelle nous réfléchissons à ULMiste, que l’on pourrait maintenir les masses à vides et le cadre réglementaire actuel, mais permettre les masses maximales autorisées par les constructeurs, soit 600 kg pour certaines machines ?

 

Gaétan : je suis très contre, parce-que je pense que le premier critère est de ne pas entrer dans la réglementation AESA.

 

ULMiste : certes, mais en imaginant que nous restions dans le cadre actuel ?

 

Gaétan : dans un univers utopique, évidemment je serais ravi que l’on autorise la masse max technique et non pas la masse max réglementaire ! Mais je pense que c’est une utopie.

 

ULMiste : il est des utopies qui deviennent réalité.

 

Gaétan : … eh bien j’en accepte l’augure !

 

ULMiste : que penses-tu du travail de la fédé ?

 

Gaétan : je suis un inconditionnel de la fédé, dans un club qui ne l’était pas au départ.

 

ULMiste : Saint André de l’Eure, on peut le nommer ! Pendant des années, aux assemblées générales de la FFPlUM, dès qu’il y avait protestation, elle venait de St André !

 

Gaétan : le club est très vigilant, tous les membres sont adhérents à la fédé, mais ils sont très pointilleux sur les comptes de la fédé.

 

ULMiste : c’est le petit village gaulois et c’est ce qui les rend sympathiques !

 

Gaétan : oui, mais le village a fait sa soumission à Rome ! Mais concernant la fédé, il y a beaucoup de disparités selon les entités régionales.

 

ULMiste : est-ce que les autres classes d’ULM t’attirent ?

 

Gaétan : je suis breveté autogire, avec 0 heures de vol comme commandant de bord à part le lâcher. Mon instructeur, Bruno Courty, qui s’est tué en voiture, fut mon élève en pendulaire. Son décès est une perte car c’était un homme de qualités et l’instructeur que j’aurais aimé être. De plus il était sur le point de publier un manuel autogire exemplaire.

 

ULMiste : est-ce que la classe 6 t’attire ?

 

Gaétan : non, car il vaut mieux changer ses désirs que l’ordre du monde. Je me réjouis pour ceux à qui ça fait plaisir, mais je m’inquiète un peu de l’éloignement de l’idée de l’ULM comme quelque-chose de simple. Un pilote classe 6 doit se comporter comme un pilote non ULM, en faisant entretenir sa machine par un organisme agréé car certaines pièces vitales l’exigent, ai-je cru comprendre.

 

ULMiste : pour en revenir à ce qui ouvrait notre échange que dirais-tu à quelqu’un qui comme toi, à 30 ans, a un crédit sur sa maison, des enfants en bas âge, une carrière prometteuse devant lui et qui voudrait voler ? Doit-il attendre ?

 

Gaétan : le désir peut être délicieux à savourer, mais il y a un moment où il faut monter l’escalier !

 

ULMiste : ce qui est le meilleur moment, disait Clémenceau !

 

Gaétan : (Rires) Monter l’escalier est avoir pris la décision d’y aller. Ce que je lui souhaite, c’est de le faire par passion et de garder cette passion. Chez certains élèves, la seule motivation est d’ajouter un savoir-faire au catalogue, ce qui ne donne pas des passionnés.

Si la passion est là, non, il ne faut pas attendre ! Je n’ai pas vraiment de regrets, mais le secret du bonheur est de faire alliance avec son histoire.

 

ULMiste : pour finir, l’aspect humain, les rencontres…

 

Gaétan : c’est très très important ! Je goûte énormément d’aller sur d’autres terrains, de rencontrer des personnes. Je trouve extrêmement précieux la culture de l’accueil, qui n’est pas pratiquée malheureusement partout de la même manière. J’ai été touché par exemple à Ussel (et ailleurs). Je me suis posé, j’ai vu quelqu’un venir vers moi. Rien que ça, ça change tout !

Jeune breveté, sur un terrain, on m’a dit « ah mais tu voles en Savannah, ça vole tout seul ce truc-là, quand on vole là-dessus on ne vole pas ! » Il y a des cons dans tous les clubs… il y a beaucoup de jaloux, d’aigris et de donneurs de leçons dans ces univers un peu spécifiques, mais aussi des gens adorables. J’ai un groupe de copains sur internet (« les copains d’à bord », Google Groups NDLR), animé en grande partie par mon ami Jean-Luc Ménier (cf ULMiste n°3). Je suis également très ami avec son frère Pascal, on se sert d’instructeur l’un à l’autre. Beaucoup d’instructeurs devraient faire ainsi ! Et quand je disais qu’heureusement j’ai trouvé autour de moi beaucoup de gens merveilleux qui m’ont aidé pour l’entretien de mes machines, Pascal est le n°1 depuis la mort du regretté Gérard Ragot qui avait construit Baloo, le Savannah avec lequel j’ai vécu 1.200 heures.  J’aime beaucoup aussi bien sûr St Estèphe et Jacques Brousseau qui m’a baptisé et puis Langogne, lieu sauvage à l’accueil unique à mon avis grâce à « Magic Urbain » comme le nommait récemment un parachutiste venu baptiser à Langogne. C’est parce-que je suis membre de ce dernier club que j’ai acheté un Trial, pour le vol montagne et parfaire les posés altisurfaces.

 

ULMiste : même avec 5000 heures de vol, on n’a jamais fini d’apprendre.

 

Gaétan : à la condition de vouloir voir où on peut progresser, on n’a jamais fini d’apprendre. Mais je crains qu’avec l’âge je ne perde un peu de mon domaine de vol personnel ou peut-être est-ce seulement parce-que Pinocchio, mon Trial m’intimide encore un peu. En effet, je n’ai pas fini d’apprendre.

Nav et rencontres voilà mon plaisir désormais. Je le souhaite à tes lecteurs, cher Pierre-Jean et te remercie au passage pour ce que tu nous apportes courageusement à tous.

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